Les Vampires : Mythologie et Symbolisme

Mythologie/Démonologie

Représentation d’une Goule

Lilith, démon femelle chez les Assyriens

Dracula, de Bram Stocker (1897)

Le vampire prend des formes et des noms différents selon les époques et les cultures.. En effet, les vampires sont bien antérieurs à Bram Stoker. On les retrouve dès l’Antiquité, bien qu’ils soient assez différents de nos vampires modernes et sont, à l’époque, souvent confondus avec leurs cousines les goules ou autres loup-garous. On peut dans la mythologie égyptienne associer la déesse Sekhmet au vampirisme. Elle était la déesse du sang et de la guerre. Avide de sang, elle provoquait la guerre pour se repaître du sang des guerriers. Chez les Assyriens, Lilith était un démon femelle, mère des vampires et des sorcières. Elle serait selon la tradition hébraïque la première « vraie » femme, tentatrice, sensuelle, vénale alors qu’Eve n’était que la femme mère. En Grèce ancienne, on parle aussi d’ « Ombres » créatures décédées qui reviennent de l’Hadès pour boire le sang des vivants afin de revenir à la vie (Homère).

Mais c’est surtout vers le Xème siècle que la peur des vampires se propage en Europe. Dès le XI ème siècle des ouvrages parlent de morts sortis de leur tombe pour sucer le sang des vivants, mythe alimenté par l’Église qui commence dans le même temps à brûler ses premières sorcières. On commence en Europe Centrale à clouer les morts au fond de leur cercueil pour leur éviter de revenir, comme en témoigne les fouilles archéologiques. Les vampires sont alors accusés des pires maux : ils ne se contentent plus de tuer les vivants en buvant leur sang, ils propagent aussi la peste ! Le sujet est tellement pris au sérieux que les forces de l’ordre sont souvent intervenues pour déterrer des morts douteux et les éliminer définitivement.

Le mot vampire n’est apparu en français qu’aux alentours de 1732, c’est à partir de ce moment que des traités le différencient véritablement des goules et autres stryges. Et depuis le mythe a survécu et s’est même amplifié avec Bram Stoker qui la remis au goût du jour en 1897 avec son Dracula.

Comment reconnaître un vampire ?

On peut regrouper les vampires en deux groupes : le vampire ayant une âme et celui n’en ayant pas. Le premier a gardé après son décès et sa « résurrection » l’âme qu’il avait de son vivant. Le second a perdu son âme après son décès et celle d’un démon a pris place dans son corps, il a donc une âme mais pas au sens « chrétien » du terme.

Il s’agit ensuite d’étudier la condition du vampire par rapport à la mort. Tout d’abord tous les vampires ne sont pas « morts » (tout en restant relatif sur les termes). En effet, on peut naître vampire et sucer le sang des humains de son vivant sachant que cette personne même si elle est vivante n’est pas humaine. Selon la tradition naissent vampires les enfants qui ont été maudits à la naissance, les enfants enfantés par une mère s’étant accouplé avec le diable (l’ingestion de salive étant suffisante). On trouve aussi les enfants étant nés avec des cheveux, roux de surcroît (signe de malédiction partagé par de nombreuses cultures, notamment l’Égypte ancienne où un enfant roux était considéré comme une réincarnation du dieu Seth, roux lui-même, divinité perverse et tyrannique.). Enfin le 7 ème enfant d’un 7 ème enfant avait lui aussi de « bonnes chances » d’être un vampire. Si ces conditions ont été édictées par l’Église, on peut se demander pourquoi le chiffre 7, sacré chez les chrétiens (tout comme les Égyptiens, les Sumériens…) revêt ici une dimension maléfique. On peut imaginer que si le 7 représente la perfection, 7×7, le carré de la perfection, traduit chez l’homme la recherche de la perfection absolue supérieure à Dieu. On peut comprendre alors que l’Église punisse alors par le vampirisme la vanité humaine.

Cependant la plupart des vampires sont morts. Ou ils semblent l’être, dans la mesure où pour certaines cultures et religions, le vampire (corps sorti du tombeau) n’est ni vivant, ni mort : il se trouve dans un état intermédiaire et ne rejoindra la mort et le repos que lorsqu’il aura été « réparé » (rituel qui consiste à éliminer définitivement le vampire). On parle alors de « non-morts », comme les désigne Stocker. Nous reviendrons plus tard sur ce qui fait qu’un humain devienne vampire après son décès.

Ce qui différencie le vampire des autres créatures et fait sa nature c’est le fait qu’il boive le sang des vivants. A ce titre, on peut noter que la morsure au cou n’est pas toujours nécessaire, certains vampires étant particulièrement adroits au point de pouvoir aspirer le sang de leurs victimes à travers la peau, sans y planter les dents. C’est grâce à ce sang qu’il se régénère et entretient sa force.

Le vampire est polymorphe, c’est-à-dire qu’il peut prendre plusieurs formes notamment le brouillard (un moyen facile pour sortir de son tombeau). Si la transformation en chauve-souris a été popularisée par le cinéma, cette croyance ne se trouve que dans certaines tribus africaines. Il peut aussi commander aux animaux inférieurs (rats, insectes) et aux animaux considérés comme malfaisant (loups, serpents) par la seule force de la pensée.

Si le vampire est considéré comme une créature de la nuit, ceci n’est vrai partout. Certains vampires peuvent se promener le jour, mais leur force réputée hors du commun est sérieusement amenuisée, et il devient très vulnérable (il ne peut plus notamment changer de forme). A noter que dans les romans modernes, les vampires s’amusent nuit et jours. Cependant la plupart du temps les vampires ne sortent que la nuit, comme les autres créatures dites maléfiques. Ce phénomène repose sur une division manichéenne du monde : les « bons » vivent le jour au soleil, source de vie, alors que les « méchants » sont condamnés à errer la nuit. On retrouve ici la peur du noir, peur que le soleil, astre de vie, ne réapparaisse pas au petit matin et que le monde soit plongé à jamais dans les ténèbres. Les deux mondes sont donc bien distincts et ne peuvent se mélanger sauf à deux reprises dans l’année, la nuit de Walpurgis (30 Avril) et Halloween (31 Octobre) où les démons et vampires envahissent le monde des vivants, toutefois les vampires peuvent aussi profiter des éclipses solaires et des sabbats sorciers pour sortir en toute quiétude. D’ailleurs une légende roumaine veut que les vampires vivent sur la lune.

Les vampires se différencient aussi des humains par leur force physique exceptionnelle, alors qu’il semble que leur intelligence soit inhérente à leur vie passée. Bien qu’enterrés et « morts », ils conservent leur vitalité avec des joues bien roses et des lèvres empourprées par le sang de leurs victimes. Les cheveux du vampire ainsi que ces ongles continuent de pousser et restent vigoureux.

Le vampire possède aussi quelques autres petites particularités : il ne se reflète pas dans les miroirs. On peut expliquer ce phénomène par l’absence d’âme pure pour ceux chez qui l’âme d’un démon a pris place dans leur corps. En effet, le miroir est le reflet de l’âme, donc pas d’âme, pas de reflet. Cependant cette explication n’est pas valable pour ceux ayant conservé leur véritable âme.

Les vampires, en général, ne peuvent pas non plus entrer dans une maison s’ils n’ont été au préalable invités par un de ses habitants, sauf la leur et les lieux publics. Pour renforcer ce pouvoir de protection de la maison, il n’était pas rare que les habitants brûlent des herbes ou accrochent des pentacles à l’entrée.

On pourra aussi noter ces deux anecdotes étranges : un vampire ne peut passer l’eau qui court (sauf en bateau), car elle représente la vie. Enfin le vampire chinois (Ch’ing Shih) est maniaco-compulsif : il ne peut s’empêcher de compter et de ranger ce qui traîne (grains de riz, confettis..) !

Les autres créatures du genre

Représentation d’un Loup-garou

Représentation d’un Goule

Représentation d’un Succube

Représentation d’une Stryge

Il convient de différencier le vampire des autres créatures avec lequel on pourrait le confondre :

Les loups-garou : Le loup-garou est un humain, vivant, qui se change en loup les nuits de pleine lune et à l’occasion dévore tout ce qu’il rencontre (humains, lapins, moutons…).

Les goules : Démons d’allure cadavérique et repoussante, elles déterrent les cadavres pour les manger. Plutôt nécrophiles, elles ne tuent les humains pour les manger que si les cadavres viennent à manquer.

Les succubes et incubes : Démons respectivement femelles et mâles. Ils prennent l’énergie de leur victime pendant l’acte sexuel. Il en résulte pour ces derniers une mort violente due à l’intensité de l’acte. Les succubes et incubes peuvent prendre alternativement un sexe ou un autre.

Les stryges : Il s’agit de sorcières décédées, plutôt facétieuses, elles se contentent de jouer des tours aux humains pendant leur sommeil pour se venger de l’intolérance dont ils ont fait preuve à leur égard alors qu’elles étaient encore vivantes.

Devenir un vampire

On a déjà vu comment on peut naître vampire. Cependant il existe d’autres moyens pour une personne de devenir vampire, notamment après son décès. Tout d’abord le moyen le plus répandu et le plus connu est le baptême vampirique (seul moyen de perpétuer l’espèce) : Si la victime mordue par le vampire boit à son tour le sang de son vampire agresseur, elle décède et se réveillera vampire. Il semble que la quantité de sang échangé soit déterminante car si le vampire prend trop de sang a sa victime elle risque de ne pas devenir vampire, ne pouvant pas être suffisamment régénérée par le sang de son agresseur. Cependant on n’en connaît pas les proportions précises.

Un loup-garou risque aussi fortement de devenir vampire après sa mort : il n’y a donc pour lui aucun espoir de quitter sa triste condition. Sont aussi susceptibles de devenir des vampires après leur mort : les personnes mortes excommuniées, les suicidés (interdit par la religion catholique car seul Dieu a droit de vie et de mort), les personnes n’ayant pu être baptisée avant leur mort mais en ayant exprimé le souhait, et les sorcières bien qu’elles deviennent plutôt des stryges.

En l’an 909 le Frère Constantin de Bavière a recensé les moyens de se préserver d’un tel sort et en a recensé 1100 ! On constate que les causes de transformation ont souvent un rapport à la religion. Le vampirisme a souvent été un moyen pour l’Église de faire respecter ses préceptes en menaçant la population d’une malédiction éternelle (car est-il nécessaire de rappeler que le vampire est éternel, à moins que quelqu’un n’intervienne pour mettre fin à son existence.). Ainsi pour se protéger d’une telle métamorphose, on prendra soin de respecter les principaux préceptes religieux afin de ne pas se faire excommunier, on évitera les comportements à risque (fréquenter des vampires), et le suicide.

Cependant s’il est trop tard pour vous, votre famille peut encore intervenir après votre mort. Dès la mort, on devait voiler les miroirs de peur que l’âme du mort en sortant du corps, soit pris au piège par les miroirs et en s’en libérant ne veuillent retourner dans le corps et le ressusciter. Au moment de l’enterrement, il n’était pas rare (et ces traditions existent encore dans certaines provinces de l’Europe de l’Est bien qu’elles soient interdites) que les morts soient enterrés à l’envers (face vers le sol), ainsi si le vampire se réveille, en creusant vers ce qu’il croit être l’air libre pour sortir, il s’enfonce dans la terre et se perd. On enterrait aussi les excommuniés aux carrefours, en pensant qu’à son réveil il prendrait le mauvais chemin et ne saurait pas retrouver son village (mais irait mordre les habitants du village voisin). Enfin, on peignait l’intérieur des cercueils en rouge ou on laissait dans les tombes des fleurs rouges, espérant que le vampire se contenterait de ces substituts de sang et abandonnerai l’idée de sortir de sa tombe pour trouver des victimes humaines.

Vaincre un vampire

 

Si les vampires sont éternels on peut toutefois s’en débarrasser définitivement en faisant preuve d’un peu de courage : il s’agit du rituel de réparation : On plante un pieu en bois dans le cœur du vampire, puis on lui coupe la tête que l’on remplira d’ail. Mieux vaut donc profiter du sommeil de la victime pour accomplir cette tâche. Ce rituel varie selon les cultures, en effet pour certaines le pieu doit être en peuplier (aussi utilisé pour fabriquer les baguettes de sorciers), pour d’autres le pieu ne doit en aucun cas être retiré du cœur. On peut noter qu’un tel rituel tuerait n’importe qui : vampire comme humain. Séparer la tête du corps symbolise la séparation du corps et de l’âme (de la vie spirituelle et physique) permettant ainsi à cette dernière de trouver le repos éternel. De même si la tête symbolise l’âme, le cœur en est le réceptacle, d’où le pieu.

En revanche le vampire craint certaines choses tout à fait inoffensives pour un humain. Si le courage vous manque pour effectuer la réparation, vous pouvez toujours essayer d’exposer le vampire au soleil jusqu’à son explosion (bien que certains ne le craignent pas). On peut utiliser différents objets pour repousser un vampire :

La croix, symbole de l’Église qui l’a excommunié et maudit : le combat de Dieu contre Satan, bien que souvent il soit dit que les vampires n’ont ni Dieu, ni maître : ils ne servent pas plus Satan qu’ils ne servent Dieu.

L’eau bénite, toujours pour les mêmes raisons, brûle les vampires et les tue s’ils en ingèrent (ce qui est assez rare). L’Église a longtemps avancé l’argument selon lequel elle seule pouvait sauver les humains du démon et de ses sbires.

On peut aussi utiliser l’ail (réputé en magie pour chasser les esprits malfaisants). Les roses sauvages (assez vivace en Roumanie) les repoussent aussi mais sans raison apparente. En revanche contrairement à la croyance, les balles en argent n’ont aucun effet : elles ne tuent que les loups-garous.

Un mythe devenu populaire

Depuis Bram Stoker et son Dracula, le vampire n’a cessé de gagner en popularité, et le mythe s’est développé à travers la littérature et le cinéma tout au long du XX ème siècle. Le mythe originel a d’ailleurs été modifié et adapté par les romanciers et les scénaristes. Stoker a lui-même gravé dans l’esprit collectif la transformation du vampire en chauve-souris ailleurs que cette croyance était très peu répandue. Belà Lugosi et Christopher Lee ont popularisé le vampire gominé à la cape noire. Le seul point commun entre tous nos vampires est le fait qu’il boive le sang des vivants. Chacun invente ses règles sans tenir compte des autres : Les vampires d’Anne Rice n’ont pas le droit de boire le sang des morts (comme les goules) sous peine de mourir, ni de se tuer entre eux, sous peine de malédiction. En revanche, dans Blade de Stephen Norrington, on retrouve un « gentil vampire » qui tue ses frères de sang pour protéger la race humaine. Si ces adaptations ont plus ou moins dénaturé le vampire, elles lui ont pourtant donné ses lettres de noblesses, et ont ravivé un mythe qui s’essoufflait.

En effet, Il n’a jamais été aussi vivace. Les vampires ayant désormais leur série : Buffy contre les vampires. Le créateur, Joss Whedon, respecte et reprend les règles traditionnelles (pieu, croix, miroir…) et rejette la caricature du vampire en smoking et cape : Le vampire whedonien s’habille de la même manière que de son vivant. Il a, comme dans la tradition, perdu son âme à sa mort, celle-ci ayant été remplacé par l’âme d’un démon. Whedon évite aussi le cliché « gentils humains » contre « méchants vampires » : tout n’est pas blanc ou noir dans son monde. En revanche l’Église n’est plus le seul salut : A chaque génération, il y a une élue chargée de débarrasser la terre des vampires et autres démons. S’il reprend l’idée des tueurs de vampires, ce ne sont plus ici des prêtres. Par son mélange tradition-innovation, Whedon a su renouveler le mythe et attirer à lui de nouveaux adeptes.

Symbolisme

Depuis son apparition, le vampire sert régulièrement de métaphore sociale. Souvent réduit à tort, à un simple personnage effrayant pour adolescent à la recherche de sensations fortes ; il peut être, un indicateur sociologique et un incroyable témoin de l’évolution de notre société.

Moyen d’expression artistique (littéraire, cinématographique, graphique…) et du peuple (mythe, légende…) le vampire est profondément enfoui dans la culture humaine. Il s’adapte à l’évolution des mœurs et transcende les modes à travers les siècles, de manière à toujours être représentatif de la société dans laquelle il vit. À chaque époque, il prend un visage différent. Les artistes traduisent dans leurs œuvres, l’environnement dans lequel ils vivent et évoluent. Alors, naturellement, quelle que soit l’époque et quel que soit l’état des mentalités, le vampire ne peut que suivre cette évolution. Figure universelle, on trouve trace de récits le concernant sur les cinq continents.

La symbolique du vampire prend ses origines dans le besoin qu’a l’Homme de projeter ses pulsions, et interrogations. Le vampire se nourrit des angoisses pour incarner les problèmes existentiels, les bouleversements sociaux, économiques et culturels et projeter certaines valeurs idéologiques. Il pose une nouvelle forme de droit à la vie (immortalité) et exauce des désirs interdits à la condition humaine (sexualité, pouvoirs surnaturels…). Une dualité intéressante entre ce que nous redoutons le plus et ce à quoi nous aspirons le plus. La thématique du sang est omniprésente, car elle représente la marque de la damnation, la frontière entre malédiction et miracle de la résurrection.

Un grand merci et surtout beaucoup d’admiration pour les travaux de Nirginie, dont les recherches sur le thème des vampires et le développement qu’elle en a fait dans son propre dossier, nous ont largement inspiré dans la conception et dans la construction de ce dossier qui nous tenait à cœur. C’est son travail qui a été repris et qui a grandement permis l’avancement de ce dossier complet !

➡ Ce dossier a posé les jalons de ce qui est devenu en août 2016 le thème de notre soirée évènement, une conférence sur les Vampires dans Buffy, en compagnie du directeur du musée des Vampires de Paris, auteur, mais aussi traducteur Français du roman Dracula.

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